Énième rage universitaire

Ecrit le 28/03/2024

J’écris ceci pour éviter d’insulter mon prof de métaphysique ou de cramer ma salle d’examen cette aprem.

Hier, un type s’est immolé. Au bout de ma rue, en face du Match où j’ai volé un pot de pâte à tartiner et du pain de mie la semaine dernière. Je ne sais même pas pourquoi il a fait ça. Il est pas mort, il est à l’hôpital. Je pourrais allais lui demander. Ça me fait penser à Aaron Bushnell, le type qu’y s’est foutu le feu devant l’Ambassade Israëlienne jsp où aux Etats-Unis, en criant « Free Palestine ». Parait qu’c’était un anarchiste. Moi aussi chuis anarchiste. C’est comme ça le mieux que je puisse finir ? Un type qui crame sur une vidéo Twitter, la vie consumée par le feu et le Désespoir ?

Ce matin, en allant au métro, je suis passé devant une nouvelle tente dans le parc à côté de chez moi. Encore un type de plus qui doit dormir à la rue. Je dois l’ignorer, évidemment, comme les trois quart de ce que je vis putain. Faire genre que le monde va bien, pour me préoccuper de cet examen de mort qui va me donner une valeur sur un marché du travail mort auquel je ne veux pas appartenir. Qu’est-ce que je branle là ? Je me le demande tous les jours. J’aimerais dès maintenant partir vivre ailleurs, dans un squat, dans une zad, dans une ptite communauté tranquille qui fait pousser des carottes en essayant de faire attention à son impact sur les autres. Qu’est-ce qui me retient ?

La rage putain, la rage. La rage de me dire que si j’étais pas là, dans cette classe de mort, on se poserais peut-être pas la moindre question politique concrète. La rage de voir si peu de monde se sentir concerné par ce qui se passe autour de nous, si peu de monde sur les blocages de fac, si peu qui s’implique alors que c’est rien, vraiment, c’est rien ce qu’on fait putain. La rage de me dire que si j’essayais pas un minimum de foutre le zbeul, ce petit monde intellectuel privilégié continuerait de se sentir l’élite humaine, de se repaitre tranquillement d’une vie de questions de merde, d’instaurer comme si c’était normal une société terrifiante et dystopique.

La peur aussi. La peur de quitter ce monde où je me sens si mal, mais où je profite de ces privilèges aussi. La peur de franchir ces frontières géographiques et sociales qu’on instaure quotidiennement pour finir par faire parti de ceux d’en bas, ceux tellement précaires qu’ils ne peuvent rien faire, qu’on analyse super bien en sociologie mais qu’on aide pas du tout. La peur de passer de bon citoyen, ou tout du moins correct, à ennemi direct de l’État. La peur des coups de matraques, la peur des expulsions, la peur de la mort. La peur que même si je change drastiquement ma vie, rien ne change.

Et je suis là, à devoir faire de la putain de métaphysique. Et j’insulte la philosophie, mais ça pourrait être à propos de la physique quantique, de l’histoire des poteries au moyen-âge, de l’analyse culturelle des médias japonais, de l’astronomie ou encore de l’étude des nombres imaginaires. Tous ces domaines qui ne sont pas utiles au quotidien, et, qui ma foi pouvant être fort intéressant, ne sont que des loisirs de bourges au final. J’aime la philosophie, vraiment, j’apprécierais d’en faire de mon temps libre. Mais je ne pense pas avoir plus de temps à y consacrer quand la réalité du monde, autour de moi comme plus loin à cause de nous (#néo-colonisation) est un enchainement infernale d’atrocités. Si la philosophie a un mérite, c’est de m’avoir donné des valeurs. Et si la philosophie universitaire a bien un tort, c’est que malgré cette impression active de réfléchir, nous ne sommes que des Observateur passif du monde. Pire que ça, puisque pour nous permettre d’observer, il nous faut cet observatoire, tour de l’échelle sociale à l’ascenseur cassé, où des salariés sous payés viennent nous nourrir, nettoyer nos locaux, réparer nos WC. Sans compter toute la thune qu’on tire pour changer des logos de merdes, pour faire des conférences inaccessibles à la plupart des gens.

Non, l’Éducation n’est pas le pire endroit où investir. Ce n’est pas ce que je dis. Je dis que l’éducation, notre vision de l’éducation, est un moyen d’ancrer les classes sociales plutôt que de permettre l’égalité. Je dis que l’éducation fait partie intégrante du système capitaliste, autoritaire et immoral qu’enforce l’État. Tout ça, si je l’ai déduit après réflexion, ces dernières ont été approfondis par ce que j’ai appris en cours, le peu que j’en ai retenu disons. Ce qui veut dire que vous pouvez avoir ces réflexions aussi. Et que vous pouvez passer à la praxis, pour critiquer certes le fond mais surtout la forme de ce qu’on considère comme université.

Nik la fac