Comment pourrais-je travailler ?*
Comment pourrais-je être caissier, voir les gens reposer des articles quand ils n’ont pas assez de thunes ? Comment pourrais-je être scientifique, voir mes découvertes au service de l’État et de son armée ? Comment pourrais-je être électricien, devoir dénoncer ceux qui fraudent en modifiant leur compteur Linky sous peine de me faire virer ? Comment pourrais-je être agent d’entretien, devoir effacer les tags « Free Palestine » d’un camarade qui s’est fait chopper pour ça ? Comment pourrais-je être maçon, construire les futures comicos et prisons ? Comment pourrais-je être architecte, dessiner les plans de ces villas de bourges qui coûte 100 fois le salaire annuel de ceux qui vont la construire ?
Comment pourrais-je être libraire, mettre en avant les bouquins et journaux zemmouristes parce que c’est ce que les gens veulent ? Comment pourrais-je être prof, voir les gamins arriver avec une destinée toute tracée en fonction de leur capital financier, et n’être qu’impuissant ? Comment pourrais-je être journaliste, devoir me censurer constamment pour des intérêts qui ne sont pas les miens ou pour ma sécurité qui dépend de la liberté d’expression conditionnelle actuelle ? Comment pourrais-je être employé de MacDo, de refuser de faire crédit et de voir des quantités astronomiques de bouffe se faire jeter ? Comment pourrais-je taffer chez Emmaüs, accepter d’avoir un statut plus élevé que les sans-papiers qui n’ont pas le choix que de s’y faire exploiter ?
Comment pourrais-je être postier, devoir livrer chaque jour des dizaines de Valeurs Actuelles, du Point, du Figaro, quelques Furia et Rivarol (de plus en plus), sans les contaminer à l’anthrax avant ? Comment pourrais-je être youtubeur ou n’importe qu’elle connerie d’influenceur, obligé d’exister par la publicité sur les plateformes des GAFAM, dont les valeurs sont choisis en fonction de ce qui rapportent le plus ? Comment pourrais-je écrire des romans qui font rêver les enfants sans les prévenir du cauchemar qui les attend ? Comment pourrais-je être médecin, appliquer les consignes restrictives sur les soins des personnes trans qui ne vont pas tarder à être passées ? Comment pourrais-je être psy, entendre des dizaines de patients me décrire les mêmes symptômes de dépression et ne pas leur dire que la solution est une révolution ?
Comment pourrais-je être maraîcher, en entendant toutes ces histoires de collègues qui se suicident à cause de la précarité ? Comment pourrais-je être acteur, ignorer consciemment les accusations d’agressions sexuelles des collègues ou des réals pour produire de quoi distraire les spectateurs de la réalité ? Comment pourrais-je être musicien, participer à la création d’idôles qui fait oublier les que des groupes sont néo-nazis. Comment pourrais-je être universitaire, voir ces gens souffrir à ce que je devienne une élite, pour produire des connaissances qui leur seront à jamais inaccessibles ? Comment pourrais-je être politicien, voir mes idées se transformer en lois miteuses et inutiles, me conformer à l’organisation républicaine de la technocratie française, oublier mon but dans la course au pouvoir ?
Et ne me parlez pas d’être flic, banquier, publicitaire, assureur, contrôleur ou quoi que ce soit de ce genre. Dans la course à l’emploi, s’il y a bien des jobs de merde, il y a une différence entre ceux qui prennent ce qu’il peuvent pour vivre et ceux qui choisissent délibérément d’exploiter les autres.
Alors comment pourrais-je travailler pour faire tourner ce monde que je déteste ? Que me reste-t-il si ce n’est quelques Scop, quelques taffs qui ressemblent à du bénévolat, d’autres dans des assos qui dépendent de subventions et donc du bien vouloir de l’État ? Qu’est-ce qu’il est possible de faire qui ne tombe pas dans les réflexes tordus de la rentabilité ?
Comment pourrais-je vivre normalement quand le normal est le mal banalisé ?
Destro
*Il est a prendre en compte que ce texte représente le point de vue d’une personne relativement privilégiée qui n’a pas eu a beaucoup travailler pour survivre, mais qui a eu l’éducation suffisante pour comprendre les systèmes oppressifs derrière le travail et le quotidien ; qui n’y voit donc pas de futur et qui cherche des alternatives pour échapper à cette sentence obligatoire qu’est le travail, inconciliable avec ses valeurs. Et s’il y a des petites places dans ce monde où on a l’impression de pousser les choses dans le bon sens, je ne veux pas avoir à me rendre compte dans 30 ans que je n’ai fait qu’être un rouage de plus dans le système.
Texte inspiré de la non-lecture de « Against His-story, against Léviathan » de Fredy Perlman
https://theanarchistlibrary.org/library/fredy-perlman-against-his-story-against-leviathan
écrit en écoutant « La vie s’écoule » par René Binamé, « Je refuse de travailler » de Sexy Sushi, « Jeudi » de Hugo TSR et « Team Auto-Sabotage » de Joey Glüten entre autres
(L’image en présentation est un amalgame d’articles parlant du 1er Mai 1941, quand Pétain tranfsorme la fête des travailleurs en Fête du travail et de la concordance nationale. Fasciste de merde)